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Alexandre : la bataille d'Issus

3 Janvier 2006 , Rédigé par Arrien Publié dans #enseignements tactiques

Alexandre ordonne aux siens de prendre de la nourriture, et détache quelques chevaux avec des hommes de trait pour reconnaître les défilés par où il avait passé. Il part dans l'ombre avec toute son armée pour les occuper de nouveau. Il y campe vers le milieu de la nuit, et fait reposer son armée après avoir placé avec soin des sentinelles sur tous les points. Dès l'aurore il se remet en marche, faisant filer ses troupes dans les passages étroits ; mais à mesure que le chemin s'élargit, il développe ses corps en phalange, qu'il appuie à droite sur les hauteurs, à gauche sur le rivage, l'infanterie en avant, la cavalerie ensuite : arrivé en plaine, il range son armée en bataille.
À l'aile droite, il place l'Agéma et les Hypaspistes, sous le commandement de Nicanor ; près d'eux les corps de Coelius et de Perdiccas, qui s'étendaient jusqu’au centre, où devait commencer le combat. Il compose la gauche des troupes d'Amyntas, de Ptolémée et de Méléagre : l'infanterie est sous les ordres de Cratèrus ; toute l'aile est sous ceux de Parménion, qui ne doit point s'éloigner du rivage crainte d'être cerné par les Barbares ; car il était facile aux Perses d'envelopper les Macédoniens avec leurs troupes nombreuses.
Darius, instruit qu'Alexandre s'avance en ordre de bataille, fait traverser le Pinare à trente mille chevaux et à vingt mille hommes de trait, pour avoir la facilité de ranger le reste de son armée. Il oppose d'abord à la phalange macédonienne, trente mille des Grecs à sa solde, pesamment armés, et soutenus de soixante mille Cardaques armés de même, le terrain ne permettant point d'en mettre en ligne davantage ; vers les hauteurs, à sa gauche, il place vingt mille hommes, dont partie en face, partie derrière l'aile droite d'Alexandre : disposition forcée par la chaîne des montagnes qui, formant d'abord une espèce de golfe, tournaient ensuite l'aile droite des Macédoniens. Le reste de ses troupes, de toutes armes et de tout pays, forment derrière les Grecs soldés une profondeur de rangs aussi nombreux qu'inutiles ; car Darius comptait six cent mille combattants.
Arrivé dans la plaine, Alexandre développe, près de lui à l'aile droite, la cavalerie des Hétaires, des Thessaliens et des Macédoniens, et fait filer à la gauche, vers Parménion, les Péloponésiens et les autres alliés.
L'armée des Perses rangée en bataille, Darius rappelle la cavalerie qui avait passé le Pinare pour couvrir ses dispositions. Il en détache la majeure partie contre Parménion, du côté de la nier, où les chevaux pouvaient combattre avec avantage, et fait passer le reste à sa gauche vers les hauteurs : mais jugeant que la difficulté des lieux lui rendrait ces derniers inutiles, il en rejette encore une grande partie sur la droite : il se place lui-même au centre de l'armée, suivant l'ancienne coutume des rois de Perse, dont Xénophon rapporte les motifs.
Alexandre, voyant presque toute la cavalerie des Perses, portée du côté de la mer, sur Parménion, qui n'était soutenu que des Péloponnésiens et des alliés, détache aussitôt vers l'aile gauche les chevaux Thessaliens, et les fait filer sur les derrières pour n'être point aperçus de l'ennemi. En avant de la cavalerie de l'aile droite, Protomaque et Ariston conduisent, l'un les voltigeurs, l'autre les péoniens ; Antiochus, à la tête des archers, couvre l'infanterie ; les Agriens, sous la conduite d'Attalus, quelques chevaux et quelques archers disposés à l'arrière-garde, font face à la montagne : ainsi l'aile droite se divisait elle-même en deux parties, dont l'une était opposée à Darius, placé au-delà du fleuve avec le gros de son armée, et l'autre regardait l'ennemi qui les tournait sur les hauteurs. À l'aile gauche, en avant de l'infanterie, marchent les archers Crétois et les Thraces, commandés par Sitalcès, précédés de la cavalerie et des étrangers soldés qui forment l'avant-garde.
Comme la phalange à l'aile droite avait moins de front que la gauche des Perses dont elle pouvait être cernée facilement, Alexandre la renforce, en dérobant leur mouvement à l'ennemi, par deux compagnies d'Hétaires, sous la conduite de Péridas et de Pantordanus ; et comme ceux de l'ennemi, postés sur les flancs de la montagne, ne descendaient point, Alexandre, les ayant repoussé sur les sommets, avec un détachement d'Agriens et d'Archers, se contente de leur opposer trois cents chevaux, fait passer sur le front de l'aile droite le reste des troupes placées de ce côté, y joint les Grecs à sa solde, et donne alors, à cette partie de son armée, un développement plus étendu que ce-lui des Perses qu'elle avait à combattre. L'ordre de bataille ainsi disposé, Alexandre s'avance lentement, et en faisant des haltes fréquentes, comme s'il ne voulait rien précipiter.
De son côté Darius ne quitte point les bords escarpés du fleuve où il était placé ; il a même défendu par des palissades les rives d'un facile accès : cette disposition révèle aux Macédoniens que Darius a déjà présagé sa défaite.
Les armées en présence, Alexandre à cheval, parcourt ses rangs, encourage les siens, appelle nominativement et avec éloge non seulement les principaux chefs, mais encore les Ilarques, les moindres officiers, et ceux mêmes des étrangers distingués par leurs grades ou leurs exploits : tous, par un cri unanime, demandent à fondre sur l'ennemi.
Alexandre continue de s'avancer lentement, de peur qu'une marche trop rapide ne jette du désordre dans sa phalange ; mais parvenu à la portée du trait ; les premiers qui l'entourent, et lui-même à la tête de l’aile droite courent à toutes brides vers le fleuve pour effrayer les Perses par l'impétuosité du choc, en venir plutôt aux mains, et se garantir ainsi de leurs flèches. Alexandre n'est point trompé dans son attente. Au premier choc, la gauche de l'ennemi cède, et laisse aux Macédoniens une victoire aussi éclatante qu'assurée.
Dans le mouvement précipité et décisif d'Alexandre, la pointe de la phalange avait suivi l'aile droite, tandis que le centre n'avait pu marcher avec la même promptitude ni maintenir son front et ses rangs, arrêté par la barrière que présentaient les bords escarpés du fleuve : les Grecs, à la solde de Darius, saisissent le moment et tombent avec impétuosité sur la phalange macédonienne ouverte. Le combat devient opiniâtre ; les Perses s'efforcent de rejeter les Macédoniens dans le fleuve, et de reprendre l'avantage pour ceux qui fuyaient ; et les Macédoniens s'obstinent à maintenir celui d'Alexandre, et l'honneur de la phalange jusque là réputée invincible. La rivalité des Grecs et des Macédoniens redouble l'acharnement. Ptolémée, après des prodiges de valeur, et cent vingt Macédoniens de distinction, sont tués.
Cependant l'aile droite d'Alexandre, après avoir renversé tout ce qui était devant elle, tourne sur les Grecs à la solde de Darius, les écarte du bord, et, enveloppant leurs rangs découverts et ébranlés, les attaque en flanc, et en fait un horrible carnage.
Les chevaux Perses en regard des Thessaliens, sans les attendre au-delà du fleuve, le passent bride abattue, et tombent sur la cavalerie opposée : ils combattirent avec acharnement, et ne cédèrent que lorsqu'ils virent les Perses mis en fuite, et les Grecs taillés en pièces. Alors la déroute fut complète.
La cavalerie des Perses souffrit beaucoup dans cette fuite, et de l'embarras de son armure pesante, et du désordre qui se mit dans les rangs ; tous, dans leur épouvante, se pressaient en foule les uns sur les autres dans les défilés, de manière que les leurs en écrasèrent davantage que l'ennemi n'en détruisit : Les Thessaliens pressent vivement les fuyards ; le carnage de la cavalerie égale celui de l'infanterie.
Dès qu'Alexandre eut enfoncé l'aile gauche des Perses, Darius se sauva avec les premiers sur un char qu'il ne quitta point tant qu'il courut à travers plaine ; mais arrivé dans des gorges difficiles, il abandonne son char, son bouclier, sa pourpre son arc même, et fuit à cheval. La nuit qui survint bientôt, le dérobe aux poursuites d'Alexandre, qui ne cessent qu'avec le jour. Le vainqueur retourne vers son armée, et s'empare du char et des dépouilles de Darius. Alexandre l'eût pris lui-même, si, pour le poursuivre, il n'eût attendu le rétablissement de sa phalange ébranlée, la défaite des Grecs et la déroute de la cavalerie des Perses. Ils perdirent Arsame ; Rhéomitrès; Atizyès, l'un de ceux qui, au Granique, avaient commandé la cavalerie ; Sabacès, satrape d'Égypte, et Bubacès, un des Perses les plus distingués. On évalue à cent mille le nombre général des morts, dont dix mille chevaux ; de sorte que, au rapport de Ptolémée, qui accompagnait Alexandre dans cette poursuite, on traversa des ravins comblés de cadavres.
Au premier abord on se rendit maître du camp de Darius ; on y trouva la mère, la femme, la soeur, et un fils jeune encore du monarque de l'Asie, avec deux de ses filles et quelques femmes des principaux de son armée, toutes les autres avaient été conduites avec les bagages à Damas, où Darius avait fait porter la plus grande partie de ses trésors, et tous les objets de magnificence que traînent à l'armée les rois de Perse.
On ne trouva dans le camp que trois mille talents ; mais Parménion, envoyé à Damas par Alexandre, y recueillit toutes les richesses du vaincu.
Telle fut l'issue de cette journée, qui eut lieu dans le mois Maimactèrion, Nicostrate étant Archonte à Athènes.
Le lendemain Alexandre, quoique souffrant encore d'une blessure qu'il avait reçue à la cuisse, visite les blessés, fait inhumer les morts avec pompe, en présence de son armée rangée en bataille, dans le plus grand appareil. Il fait l'éloge des actions héroïques dont il avait été témoin, ou que la voix générale de toute l'armée publiait, et honora chacun d'entre eux de largesses selon leur mérite et leurs rangs. Balacre, l'un des gardes de sa personne, est nommé satrape de Cilicie, et remplacé par Ménès ; Polyspercbon succède au commandement de Ptolémée, qui avait péri dans le combat. On remet aux habitants de Soles les cinquante talents qui leur relaient à paver ; on leur rend leurs otages.

 

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