les 36 stratégies(1)
"Traverser la mer
sans que le ciel le sache"
Dissimule tes secrets en évidence
afin qu’on ne les perce pas à jour.
Ceux qui prennent trop de précautions sont susceptibles de ne plus être sur leur garde. Les actions familières n’éveillent pas la suspicion. Le Yin est l’aspect interne et non l’opposé du Yang. Le grand Yang contient le grand Yin. *
Cette expression proverbiale est issue de l’histoire d’un ingénieux général des Tang, qui mit au point une méthode pour transporter l’empereur (considéré dans la Chine Impériale comme le fils du Ciel) sain et sauf sur la mer, en faisant en sorte que l’Empereur lui-même ne le sache pas. Le mot ciel peut aussi être interprété littéralement. Dans les temps anciens, il était facile de mettre en place des opérations militaires secrètes sur terre en utilisant la protection d’abris naturels tels que les montagnes et les forêts, alors que l’espace d’eau ouverte de la mer n’offre aucun endroit où se cacher. Donc, dans le but de traverser la mer sans que le ciel le sache, il faut se déplacer ostensiblement sur la mer mais comme si on n’avait aucunement l’intention de la traverser.
Chaque manoeuvre militaire a deux aspects : le mouvement apparent et l’intention de base. En dissimulant les deux, on peut prendre l’ennemi complètement par surprise. Mais un secret si idéal peut rarement être atteint avec les actuelles techniques de guerre. Dans la plupart des cas, maintenir l’ennemi dans une complète ignorance de nos propres opérations est moins aisé que de "traverser la mer sans que le ciel le sache" La seule alternative est de pousser l’ennemi à négliger ou à mal interpréter l’intention de base de notre opération. Autrement dit, s’il est hautement improbable que l’ennemi reste ignorant de nos actions, on pourra toutefois lui jouer des tours juste sous son nez.
"Assiéger Wei pour secourir Zhao"
Attaque un point faible de l’adversaire
(ex : un de ses lieutenants), divise et règne.
Au lieu d’attaquer la tête la première un ennemi puissant et concentré, fragmentez-le en petits groupes vulnérables. Au lieu de frapper le premier, attendez votre heure et frappez seulement après que l’ennemi ait d’abord frappé.
Cette stratégie conseille de soulager les assiégés en assiégeant la base des assiégeants. Quand l’ennemi déploie ses forces principales pour attaquer un état voisin mais rencontre une résistance opiniâtre, la meilleure voie pour aider ce voisin est de lancer une invasion vers le territoire ennemi. La force principale de l’ennemi n’aura d’autre choix que de rentrer à double vitesse, une embuscade peut alors être effectivement conduite pour remporter une victoire décisive.
Dans un sens plus large, la stratégie indique de concentrer vos forces pour attaquer le point faible de l’ennemi. Dans la littérature militaire chinoise, combattre l’ennemi est souvent assimilé à la régulation des rivières. Quand l’ennemi est furieux et surpuissant comme un flot déchaîné, on doit éviter une confrontation de face et attendre jusqu’à ce qu’il ait perdu son élan, comme mener le flot dans une rivière dé gagée pour le calmer et le rendre contrôlable. Comme pour un ennemi mineur, on peut construire une "digue" pour stopper son mouvement et attaquer ses points faibles et l’anéantir.
"Assassiner avec une épée d’emprunt"
Utilise les ressources d’un autre pour faire ton travail.
Quand les intentions de l’ennemi sont évidentes et que l’attitude de l’allié est hésitante, amenez vos alliés à attaquer vos ennemis pendant que vous préservez vos propres forces.*
Pour éviter d’être incriminé dans une affaire de meurtre, certains peuvent mener leurs actions avec une "épée d’emprunt" qui fait référence à quelqu’un d’autre qui en veut à la victime. En conduisant un troisième élément à commettre le meurtre, vous pouvez atteindre votre but sans avoir à en assumer la responsabilité. Dans un contexte martial, cette maxime conseille au dirigeant d’exploiter le conflit des divers pouvoirs. Pour combattre un ennemi fort, il faut découvrir une puissance en désaccord avec cet ennemi et l’amener à le combattre à votre place. De cette façon on obtient un résultat double avec un demi effort.
Selon les anciens stratèges militaires chinois, quand deux camps s’opposent et qu’entre soudainement en scène une autre force, le résultat final dépendra incontestablement de l’attitude de ce troisième camp ; il doit donc être gagné à votre cause par tous les moyens inimaginables. Inversement, si un état tolère l’accroissement continu d’un voisin sans le contrôler ou en tirer usage, l’état est appelé à se détériorer.
"Attendre en se reposant
que l’ennemi s’épuise"
Utilise la patience et use l’ennemi.
Il est possible d’amener l’ennemi dans une impasse sans même combattre. L’actif s’affaiblit et le passif se renforce.*
L’attaquant et le défenseur sont les deux éléments fondamentaux de l’art de la guerre. L’attaquant a l’avantage de l’initiative. Celui qui attaque a le choix de la bataille, à laquelle le défenseur doit répondre par une contre-attaque. Mais cette stratégie insiste surtout sur les avantages de la défense. En prenant une position que l’attaquant ne peut contourner et en s’assurant d’amples réserves, le défenseur à l’opportunité de préserver ses forces tout en attendant que l’ennemi s’épuise jusqu’à avoir perdu sa supériorité. Alors vient le moment pour
"Profiter de l’incendie
pour piller et voler"
Exploite et tire parti d’opportunités
au fur et à mesure de l’aggravation
de la situation chaotique de l’adversaire.
Quand l’ennemi traverse une majeure, saisissez la chance d’obtenir un avantage. La résolution l’emporte sur la faiblesse.*
Une maison en flammes sombre dans le désordre et la confusion. Ainsi un voleur pet avoir l’occasion de piller les biens d’une maison pendant que le portier et les gardes sont occupés à combattre le feu. Cette maxime signifie donc tirer avantage des déboires d’autrui afin de lui causer du tort.
En temps de guerre, la maison en flammes symbolise le pays qui souffre de graves troubles ou qui est sur le déclin. En attaquant un tel pays, on aura un double bénéfice avec un demi effort.
Ainsi cette stratégie recommande le principe universel de frapper les points faibles de l’ennemi et, en ce sens, cela se rapporte à plusieurs autres stratégies. Par exemple, quand on choisit de mettre le feu à une maison avant de la piller sans résistance plutôt que de s’arranger avec les gardes on peut aussi dire que l’on applique la stratégie Dix-Neuf : ôter le feu de sous le chaudron" . Si seul un mouvement tactique plutôt qu’un schéma stratégique est impliqué, on est face à la stratégie Douze : "Emmener la chèvre en passant".
"Bruit à l’est ; attaque à l’ouest"
Induit en erreur le commandant adverse
et sème le doute dans ses rangs.
Le commandement ennemi est désorienté et perd sa sobriété, avec le symbole du lac en haut et la terre en bas, signifiant que l’eau de la rivière est prête à inonder la rive.*
A la guerre, on peut obtenir l’effet de surprise aussi bien par la tromperie que par la rapidité de mouvement des troupes. Un proverbe chinois dit : "il n’y a jamais trop de ruse durant la guerre". Cependant, cette stratégie avertit qu’il faut s’assurer du manque de jugement de l’ennemi avant de faire des feintes de mouvement pour le tromper. Un commandant avec une bonne présence d’esprit connaît ses forces et ses faiblesses, il déploie donc ses troupes en conséquence ; il n’est ainsi pas susceptible d’être dupé par les mouvements trompeurs de l’ennemi. Il peut même feindre d’être trompé et tourner ainsi les ruses de l’ennemi contre lui. Par conséquence, quand on veut tromper l’ennemi, il faut avoir à l’esprit de semer la confusion chez lui. Ainsi Sun Zi observe "Dans le passé, ceux qui avaient l’art de diriger les opérations de guerre s’assuraient d’abord d’être invincibles et ensuite attendaient une occasion de battre l’ennemi ".
"Créer quelque chose ex-nihilo"
Change ce qui était sans substance en une réalité.
Faire une feinte, non pour la faire passer pour la réalité mais pour la faire devenir réalité après que l’ennemi soit convaincu qu’il s’agit bien d’une feinte. La force authentique croît sous une fausse apparence, tel le yin croissant à son maximum pour se transformer en Yangg.*
Cette maxime est communément utilisée aujourd’hui pour désigner une personne qui fait une déclaration, généralement une accusation, absolument sans fondement.
A la guerre, souvent il est nécessaire de feindre des manœuvres pour distraire et induire en erreur l’ennemi. Cependant, ce type de ruse est aisément identifiable et devient facilement sans effet. En outre, l’ennemi ne pourra être défait que par une action authentique et non par une simple feinte. Par conséquence, un stratège de guerre judicieux sait non seulement comment tromper l’ennemi par des feintes mais aussi quand transformer celles-ci en véritables opérations de combat.
"L’avancée secrète vers Chencang"
Détruit l’adversaire en menant une fausse attaque
dans une direction alors que c’est ailleurs,
là où il ne se défend pas, que porte la véritable offensive.
Faire une manœuvre de diversion pour fixer la force principale de l’adversaire. Il est profitable d’adopter une disposition conforme à la situation.
Cette maxime fait référence à la stratégie utilisée par Lin Bang, fondateur de la dynastie Han, quand il mena une campagne contre son rival en concurrence pour le contrôle de l’empire, Xiang Yu. Il donna l’illusion de se préparer à venir par le chemin normal mais pendant ce temps expédia son armée par une voie détournée à Chencang, prenant ainsi l’ennemi par surprise et un large territoire pour un faible coût.
Ce stratagème insiste sur la mise en oeuvre d’un mouvement de diversion, usuellement une attaque frontale, pour dissimuler la manœuvre secrète qui doit déborder l’ennemi. Ceci est fondamentalement en accord Ave la stratégie de Sun Zi visant à combattre l’ennemi avec des forces ordinaires et à le défaire avec des forces spéciales, mais seulement dans le cas où cet ennemi est maintenu en respect non par la présence de la puissance principale mais par un mouvement de diversion qui requiert néanmoins quelques actions concrètes pour en établir la crédibilité.
"Regarder le feu depuis l’autre rive"
Laisse tes adversaires se déchirer entre eux
pendant que tu attends en regardant,
et plus tard balaye le survivant épuisé.
Quand la désunion de l’ennemi devient apparente, ne pas agir mais au contraire attendre le bouleversement maximal. De cruelles dissensions internes ne pourront que causer la mort de l’ennemi par ses propres mains. Agir au moment opportun apporte la félicité.*
Bien que lors des manœuvres militaires on attache une grande importance à la rapidité, un bon général doit maîtriser l’art du retard. Il ne doit pas chercher la confrontation à tout prix mais à l’inverse, il doit attendre son heure et patienter jusqu’au meilleur moment pour attaquer, idéalement quand son armée est au mieux de sa forme et quand l’adversaire est au plus bas. Tel est le principe de base de toutes les stratégies agissant à retardement.
Pour moissonner les lauriers d’une guerre, usez de divers éléments d’une autre règle de base de la guerre : l’utilisation de forces extérieures pour parvenir à vos fins. De la sorte on met en rapport cette stratégie avec la stratégie Trois "Assassiner Ave une épée d’emprunt" ce qui est plus difficile à mettre en oeuvre car il faut le plus souvent manipuler conjointement plusieurs forces qu’elles soient alliées, ennemies ou sans relations.
"Dissimuler une épée dans un sourire"
Pour que tes adversaires soient sereins
et sans crainte, dissimule l’hostilité
sous l’apparence de l’amitié.
Rassurez l’ennemi pour le rendre négligent, travaillez en secret pour le subjuguer, préparez-vous pleinement avant de passer à l’action pour empêcher l’ennemi de changer d’état d’esprit : c’est la méthode pour dissimuler une puissante volonté sous une apparence docile.
Cette maxime représente un archétype de la littérature universelle : une personne Ave un visage souriant et un cœur cruel, connu dans le folklore chinois comme le "tigre souriant".
Dans la vie quotidienne, certains deviennent plus judicieux après s’être fait mystifier par un tel tigre souriant. A la guerre, une sagesse si tardive n’a que peu ou pas d’usage, car payée un tel prix qu’on ne peut se permettre le luxe de se l’offrir. Par conséquence, avant que le résultat de la guerre ne soit manifeste, une proposition de paix sera toujours reçue Ave suspicion. Ainsi il est préférable d’avoir à faire à un général ennemi trop sûr de lui pour que ce stratagème soit couronné de succès.
"La prune remplace la pêche
dans l’impasse"
Si besoin est, sacrifie le moins important
pour sauver ce qui est vital ;
substitue une chose à une autre.
Quand la défaite est inéluctable, diminuez le faible (Yin) pour augmenter le fort (Yang).
La guerre, en tant que conflit de puissances, inflige des pertes tant au vainqueur qu’au perdant. La différence réside en ce que les pertes sont infligées au perdant alors que le vainqueur les attend et les accepte. Ainsi, il suit de cela que les pertes sont inévitables à la guerre. En acceptant ce fait, un général expérimenté dresse ses plans de bataille de façon à pouvoir obtenir une grande victoire pour un faible coût. Une antique expression chinoise l’exprime ainsi : la diminution du Yin (point relatif) peut être avantageuse pour le Yang (point essentielle). Cette maxime vient d’un fameux poème de la dynastie des Han (ou Jin) exprimant l’amour fraternel :
"Le pêcher pousse auprès du puits,
Le prunier voisine le pêcher.
Le pêcher est dévoré par les insectes,
Et le prunier meurt à sa place.
Si même les arbres peuvent s’entraider
Qu’en sera-t-il des frères ?"
Une semblable expression peut être entendue de la part des joueurs d’échecs chinois "abandonner un pion pour sauver un chariot". Dans la bouche d’un chef militaire, elle indique qu’il est prêt à payer le prix fort pour une importante victoire. Chacune des fractions en conflit a ses propres forces et ses faiblesses. Il est rare qu’un des côtés l’emporte sur l’autre dans tous les domaines. Quoique l’issue d’une bataille dépende surtout de la puissance relative des deux antagonistes, le plus faible peut vaincre en utilisant un petit détachement ennemi. Après une ou plusieurs batailles semblables, le côté le plus faible deviendra fort et sera en position d’engager une bataille décisive pour vaincre l’ennemi une fois pour toutes.
"Emmener la chèvre en passant"
(c’est à dire : faire un bénéfice sans effort)
Tire parti à bon escient de la négligence
ou de l’incompétence de l’adversaire.
Tirer avantage du moindre défaut ; s’emparer du plus petit profit. Faire usage d’une erreur mineure de l’ennemi pour obtenir une victoire mineure.
Pour emmener une chèvre, il faut choisir la bonne heure , un moment où il y a le moins de risques de voir intervenir une tierce personne. Si, par exemple, quelqu’un vient juste d’emmener la chèvre quand survient un loup, le résultat sera imprévisible. Le loup pourrait à la fois manger la chèvre et l’homme, ou bien il pourrait y avoir un âpre combat entre l’homme et le loup pendant que la chèvre s’enfuirait. Dans chaque cas, il est peu probable que l’homme parvienne à "emmener la chèvre" sans être lui-même blessé.
D’un autre côté, il faut être sûr que la chèvre est bel et bien une chèvre avant d’essayer de l’emmener. Il ne faut pas prendre un loup pour une chèvre. De plus le loup et la chèvre sont interchangeables. Une chèvre , si elle n’est pas emmenée à temps, peut se changer en loup affamé pour essayer ses griffes et ses crocs. Un loup peut aussi devenir une chèvre sans défense quand il a survécu à sa force.
Dans un contexte militaire, la chèvre représente n’importe quelle faute inattendue de l’ennemi. De même que c’est le général en chef qui décide de "piller une maison en flammes", c’est le plus souvent un général subordonné qui trouve la chèvre et décide de "l’emmener de la main droite". En un mot, cette stratégie nécessite que l’on agisse en fonction des circonstances changeantes. Il faut saisir toute chance de se renforcer et d’affaiblir l’ennemi, pour une victoire mineure, qui tel un coup aux échecs peut décider de l’issue finale de la confrontation.
"Battre l’herbe pour effrayer le serpent"
Ne renseigne pas (vraiment) l’adversaire.
Vérifier ce qui est douteux, démasquer l’ennemi avant de passer à l’action. Revenir et ramener à la lumière les secrets de l’adversaire.*
Cette expression vient d’une histoire d’un livre illustré de la dynastie des Tang. Le juge du district de Dangtu, d’après l’histoire, était un homme gourmand qui acceptait autant d’épouses qu’on lui en offrait. Une fois, quelques habitants du district lui remirent en main une pétition accusant l’assistant du juge d’avoir trop d’épouses. Sidéré à cette lecture, le juge écrivit ce qui suit : "Vous avez seulement battu l’herbe, mais le serpent est effrayé".
Parfois on peut vouloir éviter de battre l’herbe pour ne pas effrayer le serpent et le voir s’échapper. De même, un commandant militaire est souvent prévenu de restreindre les engagements mineurs et impulsifs Ave l’ennemi de peur d’exposer ses intentions et le dispositif de déploiement de ses troupes. Ceci est particulièrement vrai si l’on prépare une attaque surprise. Cependant, dans d’autres circonstances, il est tout indiqué de mettre en oeuvre une opération découverte, même de petite envergure, pour tester les forces et faiblesses de l’ennemi avant de lancer une offensive totale.
"Faire revivre un corps mort"
Utilise quelque chose de mort
pour parvenir à tes fins.
Celui qui est utile refuse qu’on l’utilise, alors que l’inutile demande qu’on l’utilise.
"Ce n’est pas moi qui cherche l’aide du jeune sot, mais le jeune sot qui cherche mon aide".
Selon la mythologie populaire chinoise, l’esprit d’un défunt, excepté dans les cas extrêmes lorsqu’il est envoyé pour souffrir en enfer ou bien élevé comme immortel au paradis, peut trouver réincarnation soit dans un bébé à naître, soit dans un corps bien conservé. Ainsi quand quelque chose qui fut étouffé dans le passé, revit sous une nouvelle apparence, on en dit qu’elle a "fait revivre un corps mort".
Cette stratégie recommande l’utilisation de ce qui est apparemment inutile à la guerre. Au moment du déclin d’une dynastie, nombreux sont les vaillants militaires qui viennent rivaliser pour la domination de l’empire. Un chef éclairé comprend que les victoires militaires ne sont pas suffisantes pour asseoir sa puissance. Il doit s’assurer un soutien populaire, pouvant ainsi toujours obtenir combattants et provisions pour compenser ses pertes sur le champ de bataille. Une bonne façon d’arriver à cette fin est d’encourager le sens de la légitimité (régnante) parmi le simple peuple. Il peut proclamer être en position de prendre le contrôle de l’empire, soit en tant que descendant d’une victime illustre de la dynastie renversée (si cette dernière est considérée comme irrémédiablement corrompue) ou bien en tant que parent éloigné de la maison impériale (si la dynastie déclinante est considérée comme victime de ministres félons). Si il n’est pas en mesure de le faire lui-même, il peut alors envoyer à sa place quelqu’un qui aura un tel statut et qu’il fera passer pour son maître. Bien-sûr il aura soin de se débarrasser de lui une fois son pouvoir établi.
"Attire le tigre hors de la montagne"
Pousse l’adversaire à déployer
ses meilleurs éléments loin de leur base.
Attendre que le temps épuise l’ennemi et tramer un complot pour l’attirer. Quand avancer amène à l’obstruction, il faut reculer.
Dans un contexte militaire, un tigre dans sa montagne symbolise un ennemi puissant qui jouit de la protection d’une cité fortifiée, d’un camp retranché, d’un col montagneux stratégique ou d’une voie d’eau tumultueuse et sauvage. Celui qui commande une armée disciplinée est averti de ne pas se lancer à l’attaque d’un tel ennemi.
Un proverbe chinois ne dit-il pas :
"Gisant sur le sable, le dragon est importuné par les crevettes,
descendant dans la plaine, le tigre est rudoyé par les chiens."
Ainsi, que ce soit en vue de l’annexion de territoires ennemis ou en vue de la destruction de ses forces militaires, il faudra s’efforcer d’éloigner
"Laisser s’éloigner pour mieux piéger"
N’éveille pas chez l’adversaire
l’esprit de contre-attaque.
Pressez l’ennemi (vaincu) et il contre-attaquera ; laissez le prendre le large et il affaiblira sa position. Suivez-le à proximité mais sans trop le presser. Poussez-le à gaspiller son énergie et sapez son moral. Après qu’il se soit éparpillé, soumettez-le sans même teinter de sang vos épées. Attente, la sincérité amène la fortune.*
La guerre est très coûteuse même pour le vainqueur. Généralement, il est plus profitable de mener une prompte bataille et d’anéantir au plus vite l’ennemi. Pourtant dans certains cas il faut rester prêt à saisir l’occasion, en attendant patiemment que se développe une situation avantageuse. Face à un ennemi puissant, il est par exemple parfois très déconseillé de passer immédiatement à l’action. Au lieu de cela, il faut user des conditions naturelles présentes et de savantes manœuvres pour consumer les forces et le moral de l’ennemi avant d’engager la bataille proprement dite.
Par conséquent, en contradiction apparente Ave l’idée reçue de la suprême importance qu’a la rapidité dans l’action militaire, ce stratagème met en exergue la nécessité de l’attente.
En particulier, cette stratégie recommande d’attendre lorsque l’un (des deux) a l’avantage. Car soumis à une vive attaque, un ennemi encerclé sera forcé de se battre jusqu’à la mort. Si on l’encercle sans l’assaillir violemment tout en lui laissant une issue de secours, l’ennemi ne tardera pas à perdre ses esprits. Ainsi, afin de détruire l’armée ennemie en l’acculant dans une position adverse, il convient de préparer cette situation en usant progressivement l’ennemi plutôt qu’en l’agressant sauvagement de peur d’éveiller en lui une résistance désespérée. D’un autre côté, le général ennemi peut mettre délibérément ses troupes dans une position inextricable afin de les forcer à se "battre Ave leurs tripes." (Cf. Stratégie Vingt-Huit).