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Michel Riquet, Marius Lepage, Joseph Berteloot et Alec Mellor (extrait d'une planche)

28 Avril 2012 Publié dans #Eglise catholique et FM

Michel Riquet est une figure majeure du dialogue entre l'Église catholique romaine et la franc-maçonnerie au XXe siècle. Pourtant, rien ne l'y prédisposait. Il grandit dans un milieu catholique, marqué par l'Action Française (son parrain est Louis Dimier) pour lequel la franc-maçonnerie est une société subversive dirigée contre (Église. Toutefois, son passage au petit séminaire de Versailles, dont l'évêque est Mgr Gibier, l'amène à des positions plus libérales. C'est là aussi qu'il rencontre Jacques Maritain auquel le lie vite une amitié indéfectible. En 1916, il entre dans la Compagnie de Jésus. En 1918, il reprend son noviciat interrompu par la guerre. Pendant ses premières années d'études, il élabore une théorie du droit de résistance aux lois injustes (Sa Majesté la Loi, 1925). Il collabore ensuite aux revues jésuites Études et L'Action populaire (cette dernière créée dans le sillage de l'encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII). Il prend fermement position contre l’Action Française dans la querelle qui oppose celle-ci au Saint-Siège, et incite Jacques Maritain à faire de même. Ordonné prêtre en 1928, il anime la Conférence Laennec à partir de 1930 et en devient le directeur en 1936. C'est alors la première rencontre de Michel Riquet avec la franc-maçonnerie il entretient, de 1936 à la guerre, des liens avec des francs-maçons des cabinets de Henry Sellier et Marc Rucart, ministres de la Santé publique et des Assurances sociales. En 1939, il fonde le Secours catholique. Dès septembre 1940, il rejoint la Résistance où il renoue des relations avec la franc-maçonnerie. Arrêté le 17 janvier 1944, déporté puis libéré le 29 avril 1945, il s'oppose à une épuration sans discernement des milieux ecclésiastiques. II collabore régulièrement au Figaro et à la Revue des Deux Mondes. De 1952 à 1967, il est aumônier national de la Société médicale Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien. Il est encore vice-président de l'Association française des amis des Nations unies, de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes, de la Ligue contre le racisme (à laquelle il avait adhéré dès 1938), aumônier des écrivains catholiques, cofondateur et animateur de la Fraternité d'Abraham (qui entend travailler à la réconciliation des trois monothéismes abrahamiques)...
Farouche partisan de l'État d'Israël, il s'intéresse activement aux problèmes du Moyen-Orient, allant jusqu'à former un projet d'Etats-Unis du Levant. Durant toutes ces années, les relations tissées pendant la guerre se conjuguent avec la rencontre du père Joseph Berteloot (1881‑1955), autre jésuite artisan du dialogue avec la franc-maçonnerie, pour lui faire reconsidérer son hostilité originelle à l'égard de la franc-maçonnerie. L'amitié du commandant Gamas, ancien déporté, membre du Suprême Conseil du Rite Écossais et catholique fervent, contribue aussi à rapprocher Michel Riquet de la maçonnerie.
Le 18 mars 1961, avec l'accord de ses supérieurs de la Compagnie et de l'évêque du lieu, Mgr Rousseau, et accompagné d' Alec Mellor, il donne une conférence sur l'athéisme à la loge Volney de Laval, loge du Grand Orient de France présidée par Marius Lepage. Cette conférence provoque des remous au Grand Orient de France, des membres de cette obédience y voyant une tentative de récupération de la franc-maçonnerie par l'Église catholique. Marius Lepage est suspendu par le Conseil de l'ordre qui lui reproche de ne pas avoir respecté les règles de la tenue blanche fermée en autorisant la présence de deux profanes (A. Mellor n'était pas encore maçon). Lepage s'agrège à la Grande Loge Nationale Française. A partir de ce moment, M. Riquet entretient des relations quasi exclusives avec cette dernière obédience.
Dans la ligne de J. Berteloot, M. Riquet distingue un courant maçonnique anticlérical et politique d'un courant maçonnique religieux et apolitique qu'il juge seul authentique et digne d'intérêt. Il s'appuie sur les travaux d'Alec Mellor pour montrer que la franc-maçonnerie libérale est une déviation de cette maçonnerie moderne qu'Anderson et Desaguliers avaient établie dans la continuité directe des corporations chrétiennes de bâtisseurs et dans la fidélité à leurs landmarks. M. Riquet ne craint pas de se référer à Barruel auquel il consacre notamment un ouvrage (Augustin de Barruel : un jésuite face aux jacobins francs-maçons, 1989 ‑ il pense d'abord intituler ce livre « Le Père Barruel et le complot maçonnique »). Dans cette perspective, les francs-maçons irréguliers d'aujourd'hui sont les héritiers plus ou moins directs des Illuminaten et méritent assez largement les condamnations romaines. En revanche, les francs-maçons réguliers, croyants et apolitiques, ne devraient pas subir les foudres des excommunications pontificales. En effet, loin d'éloigner du Christ et de l'Église, ce type de maçonnerie s'en rapproche par ses rituels et sa fraternité. C'est la thèse qu'il expose avec Jean Baylot, de la Grande Loge Nationale Française, dans Les Francs-Maçons : dialogue entre Michel Riquet et Jean Baylot (1968).
Concrètement, M. Riquet met en œuvre cette appréciation positive de la franc-maçonnerie régulière en intervenant auprès de Mgr Etchegaray, alors secrétaire de la Conférence des évêques de France, puis en servant d'intermédiaire entre la Grande Loge Nationale Française et le Saint-Siège. Finalement, en 1970 officieusement et en 1972 officiellement, il obtient de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi, alors présidée par le cardinal Seper, qu'elle avalise l'interprétation restrictive du canon 2335 du Code de droit canonique de 1917 : seuls sont excommuniés les membres de loges maçonniques qui complotent contre l'Église et les pouvoirs civils légitimes. Plus encore, lorsque la nouvelle rédaction du Code de droit canonique (1983) supprime toute référence à la franc-maçonnerie, M. Riquet y voit un aboutissement de son travail. Lorsque, le 26 novembre 1983, la même Congrégation déclare que (appartenance d'un catholique à la franc-maçonnerie demeure toujours interdite, il s'en désole, s'en inquiète et écrit à Rome, mais considère que cette déclaration ne concerne pas les maçons de la Grande Loge Nationale Française, l'appartenance de catholiques à cette obédience ayant été autorisée auparavant.
Les distinctions de Riquet entre maçonnerie régulière et maçonnerie irrégulière posent, en fonction de l'orthodoxie catholique, des normes d'orthodoxie maçonnique (l'obligation de la croyance en un Dieu personnel). Ceci est contesté tant par des maçons libéraux (Marcel Ravel et Jacques Mitterrand lors du Convent de 1962 du Grand Orient de France) que par des commentateurs catholiques (Jean-Pierre Manigne dans les Informations catholiques internationales, n° 490, 1961). Les uns comme les autres lui reprochent de prendre parti dans des querelles intra-maçonniques. On ne peut toutefois nier que M. Riquet a contribué à rapprocher catholiques et francs‑maçons. Il meurt à Paris le 5 mars 1993, quelques mois avant de fêter ses 95 ans.
source : www.ledifice.net
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