O.T.O : du Serment
La troisième opération lors de toute cérémonie magique est le serment ou proclamation. Le Magicien, armé et prêt, se tient au centre du Cercle et frappe un coup sur la cloche comme pour attirer l'attention de l'Univers. Il déclare alors qui il est, récitant son histoire magique via la proclamation des grades auxquels il a accédé, donnant les signes et mots de ces derniers .Puis, il déclare le but de la cérémonie et démontre quíil est nécessaire de la réaliser et de la réussir. Il prête alors un serment devant le Seigneur de l'Univers (non devant le Seigneur particulier par lui invoqué) comme pour L'appeler à être témoin de l'acte. Il jure solennellement qu'il la réalisera - que rien ne l'en empêchera -, qu'il n'abandonnera pas l'opération avant que d'être réalisée avec succès - et il frappe sur la cloche une fois encore. Puis, s'étant manifesté dans cette position à la fois infiniment élevée et d'infiniment peu d'importance tel l'instrument de la destinée, il équilibre ceci par la Confession, dans laquelle il y a de nouveau une infinie exaltation alliée à une infinie humilité. Il avoue être un faible humain aspirant humblement à quelque chose de supérieur, une créature de circonstances profondément dépendante - même en ce qui concerne le souffle de vie - d'une série d'accidents favorables. Il fait cette confession prosterné devant l'autel, à l'agonie, suant sang et eau. Il tremble à la pensée de l'opération qu'il a osé s'engager à mener à bien, disant : "Mon Père, si c’est là Ta Volonté, éloigne cette coupe de moi! Néanmoins, que Ta Volonté, non la mienne, soit faite!" .Vient la réponse tant redoutée d’après laquelle Cela Doit Etre, et cette réponse le fortifie d'une telle ardeur sacrée qu'il lui semblera être tiré de sa position prosternée par des mains divines ; avec un frisson de sainte exaltation il renouvelle joyeusement le Serment, se sentant une fois encore non plus l'homme mais le Magicien, quoique non seulement ce dernier mais aussi la personne choisie et désignée pour accomplir une tâche qui, bien qu'apparemment dénuée d'importance, est néanmoins partie intégrante de la destinée universelle, de sorte que si elle n'était pas accomplie le Royaume des Cieux volerait en éclats.Il est maintenant sur le point d’entamer les invocations. En conséquence, il fait une pause afin de jeter un dernier regard sur l'ensemble du Temple – s’assurant ainsi que toutes les choses nécessaires sont fin prêtes - et d'allumer l'encens.
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Le Serment est la fondation de toute Oeuvre en Magick car il s'agit d'une affirmation de la Volonté. Un Serment lie le Magicien pour toujours. Dans la Partie II du Livre 4, quelque chose a déjà été dit à ce sujet, mais son importance mérite qu'on approfondisse la question. Ainsi, tel homme amoureux d’une femme qui composerait un enchantement pour forcer ses étreintes et qui, fatigué d'elle un peu plus tard, évoquerait Zazel pour la tuer s'apercevrait que les implications de son Serment précédent rentrent en conflit avec celles propres à invoquer l'Unité de la Divinité de Saturne. Zazel refusera de lui obéir dans le cas de cette femme qu'il avait juré d'aimer. Certains objecteront à ceci que tous les actes étant magiques et tout homme amoureux d'une femme prêtant implicitement un Serment d'amour, il devrait se trouver incapable de l'assassiner par la suite, ce qui n'est pourtant pas rare. L'explication est comme suit. Il est parfaitement vrai que lorsque Bill Sykes désire posséder Nancy, il évoque de fait un esprit de nature Vénusienne, le contraignant par son Serment d'Amour (et par son pouvoir magique en tant qu'homme) à lui livrer la fille. Et aussi, lorsqu'il veut la tuer, il évoque un esprit Martien ou Saturnien, avec un Serment de haine. Mais il ne s'agit pas là de purs esprits planétaires, évoluant dans des sphères bien définies soumises à des lois rigoureusement exactes. Ce sont de grossières concrétions d'impulsions troubles, "incapables de comprendre la nature d'un serment". Elles sont telles que l'idée de meurtre ne se trouve aucunement outrager l'Esprit de l'Amour . C'est en vérité le critère de la caste spirituelle que des éléments conflictuels ne puissent cohabiter dans la même conscience. Le Puritain "chanteur de psaumes" qui persécute les débitants de boissons et s'imbibe de gnôle en secret ; le philanthrope à favoris, vêtu de popeline, qui arnaque ses clients et exploite ses employés : ces hommes ne doivent pas être considérés comme d'immuables canailles, qui utiliseraient religion et respectabilité afin de dissimuler leurs actions infâmes sous le couvert d'un déguisement dicté par leur génie criminel. Loin de là, ils ne sont que trop sincères dans leurs "vertus" ; leur terreur de la mort et de la vengeance surnaturelle est authentique, elle procède d'une partie d'eux-mêmes irréconciliablement en conflit avec leur friponnerie. Aucun des deux aspects ne peut se réconcilier avec, ignorer ou supprimer l'autre ; et toutefois chacun est suffisamment indulgent pour supporter la présence de son ennemi. De tels hommes sont donc sans purs principes, ils se trouvent une excuse pour toute sale embrouille tournant de manière flagrante à leur avantage. Le premier pas de l'Aspirant vers la Porte de l'Initiation lui révèle que la pureté - unité d’intention - est par-dessus tout indispensable. "Fais ce que tu Veux " s'abat sur lui tel un rayon de feu blanc et féroce dévorant tout ce qui n'est pas entièrement Dieu. Il s’aperçoit très vite qu'il ne peut se contredire consciemment. Il développe un sens subtil qui l'avertit lorsque deux enchaînements de pensée, qu'il n'avait jamais imaginés en relation, sont incompatibles. Cependant, "Fais ce que tu Veux" nous conduit beaucoup plus loin : les oppositions subconscientes sont évoquées à l'apparence visible. Les sanctuaires secrets de 1'âme sont purifiés. "Fais ce que tu Veux" purge chacune de ses parties. Il est devenu Un, juste un. Sa Volonté est par conséquent affranchie de l’obstruction due à l’ennemi intérieur et il se retrouve Maître ès Magick. Mais pour cette même raison il est désormais complètement impuissant à réaliser tout ce qui n'est pas en accord absolu avec Son Serment díOrigine, avec sa Vraie Volonté en vertu de laquelle il s'est incarné comme homme. Pour Bill Sykes, l'amour et le meurtre ne sont pas mutuellement exclusifs comme ils le sont pour le Roi Arthur. Plus élevé le type d'homme, le plus sensible il devient ; de sorte que l’amour le plus noble devine intuitivement lorsqu'un geste ou une parole inconsidérés peuvent blesser, et, vigilant, les évite comme membres de la famille du meurtre. De même, en Magick, l'Adepte qui a juré d'obtenir la Connaissance et Conversation du Saint Ange Gardien peut avoir été dans sa période moins évoluée un expert en Guérison et s'apercevoir qu'il est maintenant incapable d'un tel travail. Il en sera probablement abasourdi et se demandera s'il n'a pas perdu toute sa puissance. Cependant, la raison peut simplement en être que la Sagesse de son Ange désapprouve l'interférence d'une ignorante bienveillance avec des maux qui ont peut-être été envoyés au souffrant dans un dessein profondément important pour son bonheur .
Dans le cas du MAITRE THERION, toutes sortes d'orgia entraient originellement dans ses capacités. Au début, Il guérissait les malades, enchantait l'obstiné, séduisait le séducteur, mettait l'agressif en fuite, se rendait invisible et se comportait en règle générale comme un Jeune Mondain sur tous les plans possibles. Il affligeait un vampire en l’Accablant de Vomissements tout en faisant d'un autre son Enchanteresse privée sans jamais avoir conscience d'un quelconque oxymoron moral, ni même être gêné par l'implicite incongruité de ses serments.
Mais, comme Il avançait dans l'Adeptat, cette insouciance se trouva bridée ; et dès lors quíIl prêta de sérieux Serments et fut admis dans l'Ordre que nous ne nommerons point, ces Serments l'empêchèrent d'utiliser Ses pouvoirs comme des jouets. Des opérations insignifiantes, telles celles qu'Il pouvait autrefois réaliser en un tour de main, lui devinrent impossibles, résistant aux efforts les plus opiniâtres. Il fallut plusieurs années avant qu'Il n'en comprenne la cause. Mais peu à peu Il devint si absorbé par l'Oeuvre de Sa Vraie Volonté qu'Il cessa de S’adonner à pareilles distractions capricieuses.
Et même à cette heure, bien qu'Il soit en vérité un Magus de l'A...A..., bien que Sa Parole soit la Parole de l'Eon, bien qu'Il soit la Bête 666, le Seigneur de la Femme Ecarlate "à qui est tout pouvoir donné", il est toujours certaines orgia au-delà de Ses capacités, parce qu’agir ainsi serait affirmation de ce qu’Il a renié dans ces Serments en vertu desquels Il est Ce qu'Il est. C'est le cas, même lorsque l'esprit de pareilles orgia est totalement en accord avec Sa Volonté. Le sens littéral de Son Serment d'origine insiste pour être respecté.
Les faits fournissent deux exemples de ce principe. FRATER PERDURABO jura précisément qu'Il renoncerait à tous Ses biens personnels jusqu'au dernier penny, et aussi qu'Il ne permettrait à aucune affection humaine de Lui faire obstacle. Ces clauses furent acceptées, il Lui fut accordé bien plus qu'Il ne l'eût imaginé possible à tout Homme incarné. D'un autre côté, le prix offert par Lui fut aussi rigoureusement exigé que s'il avait été stipulé par Shylock. Chaque trésor qu'il avait sur terre lui fut ôté, et cela, en général, d'une manière si brutale et si cruelle que la perte en elle-même semblait être la partie la moins aiguë du tourment. Toute l'affection humaine qu'Il avait dans Son coeur - et ce coeur brûle d'Amour comme peu de coeurs le pourront jamais concevoir - lui fut arrachée et foulée aux pieds avec une telle ingéniosité infernale à intensifier la torture que Son endurance est proprement incroyable. Impensables les atrocités qui accompagnèrent chaque degré de Son Initiation! La Mort entraîna Ses enfants avec une lente sauvagerie, les femmes qu'Il aima s'enivrèrent sous Ses yeux jusqu'à sombrer dans le délire et la démence, ou répondirent à Son ardente dévotion par la froide perfidie au moment où de longues années de loyauté Lui avaient fourni la tentation de leur faire confiance. Son ami, qui portait le sac, vola ce qui s'y trouvait et trahit son Maître aussi profondément qu'il le pût. A la première lointaine rumeur selon laquelle les Pharisiens étaient en chasse, tous Ses disciples "L'abandonnèrent et s'enfuirent". Sa mère Le cloua de ses propres mains sur la croix, et L'injuria durant les neuf années qu'Il y resta suspendu.
Maintenant, ayant enduré jusqu'à la fin, étant Maître ès Magick, Il est puissant à Oeuvrer Sa vraie Volonté ; et cette Volonté est d'établir sur Terre Sa Parole, la Loi de Thelema. Il n'a d'autre Volonté que celle-ci, de sorte que tout ce qu'Il fait tend à cette fin. Toutes ses orgia portent leurs fruits ; ce qui demandait un mois de travail lorsqu'Il était un Adepte Majeur épanoui est aujourd'hui façonné en quelques minutes par les Paroles de Volonté, proférées avec les vibrations justes dans l'Oreille préparée.
Mais ni par l'usage naturel de Ses compétences, bien qu'elles L'aient rendu célèbre dans le monde entier, ni par l’extrême puissance de Sa Magick, n’est-Il capable d'acquérir la moindre richesse matérielle excédant le minimum nécessaire à Le garder en vie et à l’oeuvre. C'est en vain qu'Il proteste que ce n'est pas Lui mais l'Oeuvre qui a besoin d'argent. Il est contraint par l’inflexible lettre de Son Serment à donner tout ce qu'Il a pour Sa Réalisation magique.
Toutefois, bien plus effroyable est cette malédiction qu'Il a invoquée sur Lui-Même en renonçant à Son droit d'être humain de jouir de l'Amour de ceux qu'Il aime avec une passion si désintéressée, si pure et si intense. Cela en échange du pouvoir d'aimer l'Humanité au point d'avoir été choisi pour prononcer dans son intérêt le Mot de l'Eon. Et Sa récompense est l'aversion de tous, tourments physiques, désespérance mentale et paralysie morale.
Toutefois, Lui, ayant pouvoir sur la Mort, doté d'un souffle qui peut rendre la santé, d'un toucher qui peut rappeler la vie, Il doit regarder Ses propres enfants dépérir mois après mois, conscient que Son Art ne peut être d'aucune utilité, du fait qu'Il a revendu la chevalière de son profit personnel afin d'acheter un anneau d'or pur destiné au doigt félon de sa fiancée, cette veuve flétrie, le Monde!
Source : http://www.magick-instinct.org/Crowley/Magick4/duserment.html