REAA 32ème : allocution du Ministre d’Etat
Te voilà parvenu au grade où il est indispensable que la finalité de l'Ordre devienne pour toi une évidence claire.
Tu as dû te rendre compte déjà que ce n'est pas vers la pure contemplation, mais vers l'action, qu'il dirige ceux de ses adeptes auxquels il fait gravir ses degrés jusqu'à celui-ci.
Quelques explications, complémentaires de l'instruction qui vient de t'être donnée, sont nécessaires pour te bien faire comprendre en quoi consiste cette action et quels sont désormais tes devoirs et obligations.
Au 30ème degré, tu as reçu l'initiation dernière qui a fait de toi un Chevalier K , un Chevalier sacré. Tu as été consacré comme tel et armé du glaive flamboyant dont on t'a dit qu'il doit être entre tes mains comme la lance de Saint-Georges ou le caducée de Mercure et dont tu dois te servir de telle façon que ce que tu touches de sa pointe se range à tes côtés dans le combat que tu dois mener pour le triomphe des causes justes et nobles.
Ainsi as-tu été invité à l'action. Mais c'était à une action individuelle.
L'initiation à ce grade t'a introduit non pas dans un camp mais dans deux camps, le blanc et le noir, pour marquer que dans tes initiatives d'action, tu oscilles inévitablement entre deux espèces de moyens, ceux de la violence et ceux de la persuasion, et que, dans chaque cas, il te faut opter, voire réaliser un équilibre entre ces deux contraires.
Maintenant, il en va autrement. Ta réception comme Prince du Royal Secret ne comporte plus d'enseignement initiatique proprement dit. Tu viens d'être promu à un poste élevé dans un camp, un seul, un poste qui te crée des devoirs rigoureux et des obligations définies.
C'est à la conception et à l'exécution de l'action d'ensemble de l'Ordre que tu es désormais intimement associé. Il importe que tu en prennes conscience de la façon la plus claire.
Il ne s'agit plus seulement pour toi de mener ton combat isolément sous l'inspiration des principes enseignés aux K , mais de prendre un haut rang dans une armée et d'y assumer ta part de charges et de responsabilités.
Cette armée ne comprend pas que les Chevaliers du Royal Secret. On vient de te le dire, elle se compose de la totalité des membres de l'Ordre, répartis par degrés initiatiques et constituant, sur le plan de chaque degré, autant de phalanges auxquelles sont dévolues des tâches particulières en concordance avec le caractère et les enseignements du grade.
Cette armée a des objectifs. Tu as entendu dire précédemment et répéter au cours de la cérémonie qui vient de se dérouler que nous entendons entretenir vivante la Chevalerie Templière criminellement abolie par massacre il y a plus de six siècles.
La cause à laquelle nous demeurons inébranlablement attachés est celle qu'avait embrassée cette Chevalerie: la primauté de l'esprit, la culture et la défense de la pensée libre, la protection des faibles, le respect de la femme, l'avènement des êtres humains à la dignité, l'abolition des privilèges de toutes espèces, la lutte contre les sectarismes, les dogmatismes et les oppressions.
Pour servir cette cause, deux conditions sont indispensables: être, en esprit, un religieux, au sens le plus profondément humain et charitable, conscient d'être en concordance avec la loi universelle qui veut l'harmonie et le perfectionnement par l'évolution; être, en fait, un combattant en activité incessante, entièrement dévoué à la cause, payant de sa personne et de ses moyens de tous ordres.
Au vrai, et malgré la disparition de la Chevalerie Templière, cette cause n'a jamais cessé d'être servie de différentes façons plus ou moins occultes. A défaut d'armures, ce fut par les écrits. Lorsque les écrits furent interdits, on usa de la parole. Quand la parole fut bâillonnée, ce fut par la pensée et par l'exemple d'existences entières consacrées à son triomphe. Nombreux sont ceux qui l'ont fait au péril de leur vie ou de leur liberté.
Tels des germes emportés par le vent qui se sèment et se développent, les idées lancées et valorisées par ceux qui furent nos devanciers ont engendré des transformations qui furent les victoires de cette armée agissante bien que presque invisible.
Cinq coups de canon, nombre symbolique, devaient signaler les offensives de cette armée. Sur ces coups de canon, trois ont déjà été tirés qui marquèrent le déclenchement d'actions vigoureuses en faveur de l'émancipation de l'esprit.
Cependant, le combat continue. Deux coups de canon restent à tirer.
En effet, d'autres formes de la tyrannie sont apparues, naissant parfois des excès de ce qui, originairement, était bienfaisant, tant il est vrai que les mauvais instincts sont enracinés en l'homme et difficiles à extirper. Ainsi, la raison, grâce à quoi tant de progrès ont été accomplis, a été abusivement érigée en déesse non moins exigeante que les divinités anciennes, engendrant le rationalisme qui a comprimé et souvent étouffé de précieuses facultés intuitives. Associé à l'accroissement des connaissances issues de la science positive et les exploitant, le rationalisme a conduit à la naissance et au développement de la civilisation industrielle, technicienne et matérialiste où la notion et l'appétit de profit ont été substitués à la culture de l'esprit; qui a implanté chez les hommes la volonté de puissance, de puissance d'argent, de puissance économique, et des idéologies absolutistes qui ont suscité dans les nations des entreprises monstrueuses de domination accompagnées de criminel mépris des personnes humaines. La démocratie a souvent dégénéré en démagogie, amenant une tyrannie des masses qui s'oppose à la libération de l'esprit. Les prodigieux moyens modernes de diffusion de la pensée et des merveilleux fruits de la science, qui devaient servir l'exhaussement des intelligences, des cœurs et des consciences, ont été utilisés par les nouvelles puissances politiques, économiques et financières pour des publicités sordides dont
l'effet est de priver les hommes de l'occasion et du goût de penser, de leur dicter leurs divers comportements, de les dépersonnaliser en les acheminant vers un type standardisé et vers une nouvelle espèce d'esclavage.
Et cependant, la rapidité croissante des déplacements des hommes et des échanges de choses sur toute la planète, l'instantanéité des communications entre tous les points de la terre préparent cette unité de l'espèce humaine qui fut l'idéal sublime de nos devanciers.
Comment se fait-il que les progrès inouïs qui auraient dû rendre le genre humain rayonnant de gloire et de bonheur l'ont au contraire plongé dans une nouvelle obscurité où il est la proie de l'angoisse, où ne luit pas l'espérance, où il redoute chaque jour un holocauste qui marquerait sa fin ? N'est-il pas significatif qu'aucune église établie, aucune institution spirituelle ne se soit élevée, dès leur apparition, contre les armes atomiques, qu'aucun débat empreint de quelque noblesse n'ait eu lieu à leur sujet et qu'on n'en ait discuté qu'en termes stratégiques?
C'est parce qu'on s'est progressivement écarté d'une loi infrangible que nous devons, nous, inscrire en lettres d'or à notre frontispice:
"Il n'est d'évolution bienfaisante et valable que celle qui conduit l'accroissement de la spiritualité."
Une confusion, infiniment regrettable et pernicieuse, s'est établie, du fait des découvertes scientifiques et de leurs applications pratiques, entre les mots progrès et perfectionnement. Il n'est de perfectionnement qu'en profondeur, quand la nature humaine est améliorée par une grande emprise de l'esprit sur la vie physique. Or, les progrès dont on se montre si fiers ne sont que de surface, d'ordre matériel et n'intéressent que la vie physique. Ils ont accéléré son rythme jusqu'à le porter à une trépidation perturbante de l'équilibre mental; ils ont inoculé aux hommes une soif croissante de commodités et de jouissances et, loin de leur assurer plus de temps à consacrer à leur perfectionnement spirituel, ils les ont rendus impénétrables par l'esprit.
Car il ne faut pas tenir pour des acquisitions de l'esprit l'accumulation de savoir qui résulte des recherches auxquelles s'adonne le monde moderne. Les hommes, maintenant, savent, en général, beaucoup plus de choses que les anciens en tous les domaines d'érudition, mais ce savoir n'a fait qu'exacerber leur orgueil et leur ambition, et au lieu de les faire avancer dans les voies qui mènent à un exhaussement de l'être humain intrinsèque et à un gain qualitatif, il les a fait régresser.
Ainsi se dessinent les positions à l'assaut desquelles nous devons nous lancer. Ainsi se définissent les raisons et les objectifs de notre combat.
La tradition qui nous inspire est celle de l'esprit triomphant. Elle fut aussi, à leur origine, celle des églises établies, mais celles-ci se sont enlisées dans le temporel. Il appartient désormais à notre Ordre, et à lui seul, de reprendre en mains la destinée du monde, de redonner une âme à une humanité qui en est dépourvue afin de la rédimer, de la relever de sa nouvelle chute.
Il ne s'agit donc plus pour nous de rechercher les moyens d'amélioration des institutions nationales, ni de disputer quant à la valeur des régimes politiques ou sociaux. Il nous faut élargir nos horizons jusqu'à embrasse l'universel.
Notre tâche impérieuse, inéluctable, est d'abord d'opérer notre concentration sur les données de notre enseignement traditionnel, de porter en chacun de nous et en nous tous ensemble, à son plus haut degré possible, notre potentiel de valeur spirituelle et, ensuite, de le diffuser à l'extérieur de l'Ordre par des canaux appropriés qu'il nous faudra découvrir.
Ainsi s'esquisse notre plan d'action.
Nous t'intégrons, nous sublime Chevalier, pour l'accomplissement de cette œuvre et nous requérons de toi, dans ce but, le meilleur de toi.
Source : rituel REAA 32
Commentaire : cette phrase est intéressante : « La démocratie a souvent dégénéré en démagogie, amenant une tyrannie des masses qui s'oppose à la libération de l'esprit. »